L’implication personnelle du soignant dans la relation de soin.

Pour définir ce que l’on entend par l’implication du soignant, on peut dire que s’impliquer dans la relation de soin, c’est s’engager, se rendre responsable de la prise en charge de la souffrance d’un autre fragile, malade ; c’est y mettre de l’énergie, y consacrer du temps, de l’attention… de soi en fait, y mettre de soi, du sien comme on dit. Avoir foi en ce qu’on fait, travailler avec tout son coeur et pas seulement avec son savoir ou toutes ses compétences car le vivant n’est pas technique, l’humain pas mécanique, pas plus que la souffrance et la maladie. C’est du sensible, de l’émotion, du corps aussi bien sûr, mais pas seulement.
Le soignant le ressent bien, il le sait et travaille avec. Avec les émotions que lui communique le patient, avec les siennes éveillées à ce contact. Avec les deux, dans un échange toujours rempli d’émotions, de tensions, d’espoirs et de peurs.Et tant mieux. De nombreux autres chercheurs (Damasio) ont montré comment les émotions pilotent l’intelligence conceptuelle. Clairement, si l’on veut des soignants performants, qui prennent les décisions les plus intelligentes, efficaces, adaptées, il faut qu’ils se servent de leurs émotions. À l’image de tous les autres grands professionnels, artistes comme sportifs, qui ne sont capables des performances les plus extraordinaires que dans des situations où les émotions les portent.

L’empathie éprouvée pour le patient conduit le soignant sur le terrain commun de l’individualité et d’une condition humaine partagée. Il s’investit en tant qu’être humain et non pas seulement en tant que technicien de la santé en prise avec un corps malade. Une autre forme de relation se crée, qui engage le soignant au-delà de sa fonction initiale et l’expose en tant que personne.

L’empathie est une véritable source de connaissances pour les soignants, qui ne provient pas seulement de l’observation de l’autre, mais de l’observation de soi, de ce que l’on ressent, de ce que l’on éprouve face à l’autre. Nous sommes des êtres sensibles : c’est-à-dire que les émotions de l’autre provoquent en nous des émotions. Lorsque nous ressentons en lien avec une autre personne du plaisir ou de la peine, de l’enthousiasme ou du découragement, ces émotions nous donnent des informations sur nous-mêmes, aussi bien que sur la relation et sur l’autre (qu’y a-t-il qui provoque notre émotion, à ce moment-là, avec cette personne-là ?).

Le revers de cette implication est le risque lié au manque de distanciation et de fusion qui en découle. Définie autant comme un outil que comme une qualité indispensable au soignant, l’empathie, dans le sens de partage des émotions, induit cette relation de proximité émotionnelle dans une situation et un temps donné : ceux du soin. Si l’engagement du soignant est nécessaire, le contrôle de la charge émotionnelle de la relation thérapeutique lui est aussi dévolu.
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